Lettre ouverte de Gérard Authelain

Je n’ai pas pour habitude de faire des lettres ouvertes, et encore moins d’exprimer publiquement mes exaspérations. Habituellement je m’adresse directement aux personnes avec qui j’ai une divergence d’appréciation. Mais il y a des moments où quand j’ai l’impression de n’être jamais entendu, et ce depuis des années, il me faut alors prendre à témoin ceux qui partagent ma colère.

Ainsi quand j’apprends que, 35 ans après l’implantation des musiciens intervenant à l’école dans les départements de France, certains directeurs académiques en sont encore à mettre des mesures limitatives au travail des musiciens intervenants titulaire d’un diplôme universitaire (DUMI) en contradiction avec tous les textes émanant du ministère de l’Education nationale, je ne peux que me lever et dire : « ça suffit ! »

Dans la communauté de communes de Cluny, en Saône et Loire, la Direction des Services Départementaux de l’Education nationale a décidé de limiter l’intervention des dumistes à 12 heures par classe et par an, au mépris des décisions prises conjointement par le ministère de l’Education nationale et le ministère de la Culture (protocole d’accord du 22 avril 1983 et circulaire interministérielle du 25 juin 1984).

Dans son argumentation, le DASEN fait un calcul surréaliste que je résume. Il rappelle que 72 heures annuelles maximum sont dévolues à l’enseignement des arts concernant les arts plastiques, la musique et l’histoire de l’art, ce qui donne un résultat de 24 heures pour chaque discipline. Donc pas plus de la moitié, pour chacune de ces sections, octroyée à l’intervention des dumistes, puisque les professeurs des écoles, censés être dûment formés à la musique et à la pédagogie musicale, auraient toutes les capacités pour appliquer les programmes de l’Education nationale.

L’employeur (la Communauté de communes du Clunysois, soutenue par le Conseil départemental de Saône et Loire) doit se débrouiller pour savoir ce qu’il fait de ses salariés. Comme en de nombreux endroits, les collectivités territoriales, souvent par le biais des écoles de musique, ont fourni un important effort en employant ces professionnels. Dans la plupart des cas ces derniers ont pu assurer leur travail conformément aux directives cosignées par les ministères, permettant notamment aux territoires ruraux de pouvoir assurer une éducation artistique harmonieuse en mettant notamment l’école de la république au centre des préoccupations culturelles du lieu.

• Il n’est plus possible d’entendre dire que les dumistes se substituent aux enseignants, alors que leur collaboration est l’une des réussites dont la France peut s’enorgueillir.

• Il n’est plus possible de laisser croire que n’importe qui peut faire une éducation musicale s’il n’a pas été formé pour cette pratique pédagogique.

• Il n’est plus possible d’entendre marteler la priorité de l’EAC par les deux ministères, de mettre en avant un Plan chorale, et de prendre ses aises avec ces préconisations en interdisant le temps de travail nécessaire aux personnes compétentes, les musiciens intervenants titulaires du DUMI, formés dans des Centres de formation nés de la volonté des deux ministères, Education nationale et Culture, pour un type de collaboration qu’on aimerait voir partagée en de nombreux autres lieux.

Cela fait plus de 40 ans que je me bats pour cette idée que la musique n’est pas accessoire dans le développement de l’enfant (j’ai commencé le métier de musicien intervenant en 1974). A 82 ans, après avoir codirigé le CFMI de Lyon depuis sa fondation jusqu’en 2003, après avoir accepté depuis d’autres responsabilités dans des secteurs ayant trait à l’éducation artistique, je m’attendais à ce que les responsables aient un peu plus de considération qu’en adoptant des mesures qui vont contre le droit élémentaire du travail, et qu’ils se mettent tout simplement à prendre en compte et appliquer les décisions de leurs prédécesseurs. Le monde ne renaît pas à chaque nouvelle nomination dans une DDSEN. Je l’ai dit en entrée : « ça suffit ». Ceci est un vrai cri de colère. Certes pas le premier. Mais hélas, sans doute, pas le dernier.

Gérard Authelain

Auteur de l’article : FNAMI

Fédération NAtionale des Musiciens Intervenants

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